18/11/2022

Campagne de décapage 2022 pour la régénération du mélèze
en forêt communale de Château-Ville-Vieille


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Le mélèze est une essence forestière emblématique du Queyras et plus largement des Alpes du sud, valorisable en bois d’œuvre de qualité (structure, menuiserie intérieure et extérieure) valorisée en particulier par les scieries régionales. Son maintien a aujourd’hui un intérêt économique, écologique, pastoral et touristique.
Issu de l’abandon du pâturage intensif ovin au 18ème et 19ème siècle, ce mélézin doit aujourd’hui être peu à peu renouvelé.
 
·         Pourquoi ne pas laisser faire la nature ?
 
Le mélèze est une espèce pionnière (qui colonise des espaces perturbés, ouverts). Au fil du temps, sous son ombrage, d’autres essences dites « secondaires » viendront prendre sa place. Dans le Queyras ce sera le sapin, le pin cembro qui à terme, si l’on ne fait rien, viendront remplacer le mélézin. Tout étant affaire de choix, laisser cette dynamique naturelle se mettre en place est tout à fait possible. Dans les Alpes du Sud, la politique forestière est de travailler au maintien de ce mélézin. Pour son aspect patrimonial mais aussi pour sa valeur économique.
De fait, ce choix nécessite des travaux particuliers comme le décapage du sol.
 
·         Pourquoi faire des coupes par trouées ?
 
Pour gérer le mélézin, les forestiers pratiquent le plus souvent une sylviculture par trouées. En effet, le mélèze pour s’installer a besoin de lumière. Mais, parallèlement à ces trouées, le décapage du sol est impératif pour favoriser le développement des graines tombées au sol naturellement chaque automne.

·         Histoire du décapage sur la commune de Château-Ville-Vieille
 
Le décapage n’est pas quelque chose de nouveau mais il a été un peu oublié. Dans les années 80, des campagnes de décapage ont eu lieu, souvent au bulldozer. Couronnées de succès pour la plupart. Depuis 2004, les travaux de décapage du sol n’avaient plus été mis en œuvre sur la commune de Château-Ville-Vieille. 1 ha seulement a été décapé en 2016 sur la forêt communale, sans aide financière. Avec les années, le retard s’est accumulé. De nombreuses trouées sont aujourd’hui dépourvues de semis, ce qui à terme peut poser problème pour la forêt de demain. Si rien n’est fait, les récoltes de bois successives viendront appauvrir le peuplement forestier qui n’est pas gage d’une gestion durable.
Cet automne c’est plus de 15 Ha qui ont été parcourus et travaillés. D’autres campagnes devront être menées les années suivantes pour rattraper ce retard.


·         Qu’est-ce que le « décapage » ?
 
Les travaux de décapage consistent à décaper le sol (retirer la couverture herbacée) à l’aide d’un engin mécanique (pelle mécanique à godet), afin de laisser un sol à nu, réceptif à la germination des graines de mélèze. Sur la commune de Château-Ville-Vieille, l’ONF a pu tester cet automne l’utilisation d’un nouvel outil monté sur pelle, conçu spécialement pour cette opération : le scarificateur montagne.





·         Comment est travaillé le placeau ?

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Utilisation du scarificateur montagne par l’ONF

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L’opération en elle-même consiste à décaper le tissu herbacé dense qui empêchera la germination des graines de mélèze tombées au sol. Une fois ce « rouleau herbacé» mis de côté, il convient d’effectuer un « sous-solage » pour rendre la terre plus meuble et aller chercher l’horizon minéral du sol. C’est là que la graine de mélèze aura toutes ses chances de germer. Observez les talus de route, les pistes de ski abandonnées, les couloirs d’avalanche…tous ces milieux perturbés sont le terrain de prédilection du mélézin.
La taille des placeaux étant conséquente et dans des zones de pente, l’ouvrier façonne des petits bourrelets perpendiculaires à la pente pour limiter l’érosion et éviter que les graines ne s’accumulent en bas du placeau avec l’eau de ruissellement.

·         Pourquoi on ne fait pas de plantation ?
 
La plantation de plants de mélèze est certes possible et partiellement subventionnée. Mais ce n’est pas la solution qui a été retenue. Les coûts de mise en place des plants, mais aussi des protections nécessaires contre l’impact du gibier (sur plusieurs années) sont trop élevés. Les plants issus de pépinière sont particulièrement appétant pour la faune sauvage. De plus, il est préférable d’essayer de maintenir la génétique des peuplements forestiers locaux en pratiquant de la régénération naturelle. C’est du moins le choix proposé par le gestionnaire forestier qu’est l’ONF. Enfin, en cas de succès, le décapage permet d’obtenir une densité plus élevée de semis au mètre carré.
 
·         Quelle surface ?
 
C’est plus de 15 Ha de trouées qui ont été parcourues cet automne par deux mini-pelles de 8 tonnes. Sur chaque trouée c’est 30 % de la surface qui en moyenne a été effectivement décapée. Décaper la totalité de la surface n’est pas souhaitable (impact paysager trop violent et inutile pour obtenir une couverture boisée satisfaisante à terme).
                              
·         Quel impact ?
 
L’impact paysager est notable la première année. Il faudra attendre le premier hiver et la première saison de végétation pour que cet impact soit réduit (tassement des bourrelets et re-végétalisation progressive). Les années suivantes ces décapages ne se remarquent plus. Il y a d’ailleurs en forêt beaucoup d’anciennes zones décapées qui aujourd’hui ne se remarquent plus.

·         Qui finance ?

La région PACA a mis en place ces dernières années les « programmes mélèzes ». Ce programme consiste à subventionner à 40% les opérations en lien avec le renouvellement des mélézins. Décapage, plantations etc.
Les 60 % restants sont donc à la charge de la collectivité. Ces dernières années les recettes liées à la vente des bois de la forêt communale ayant été bonnes, cela a incité les élus à réinvestir une partie de cette recette dans les travaux proposés par le gestionnaire (ONF).

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Visite du chantier de décapage avec les élus et les partenaires
financiers et scientifiques (octobre 2022)

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Arrachage des genévriers sur le placeau

·         Et le pâturage dans tout ça ?
 
Le pâturage est indissociable du mélézin dans le Queyras. Sans mélézin, pas de pâturage en forêt. Sous des peuplements de sapins ou de pin cembro purs, ce pâturage sera plus complexe voire impossible à mettre en œuvre. C’est également pour cette raison que le choix est fait aujourd’hui de maintenir le mélèze dans les Alpes du Sud. Mais ce pâturage doit être encadré avec notamment la mise en défens des zones décapées en cas de pâturage ovin pendant les premières années après le décapage (pour éviter le piétinement du sol et l’impossibilité pour les semis de s’installer durablement). Dans le cas du pâturage bovin, l’impact sera moindre à condition que la charge en bétail soit raisonnable. Ponctuellement il peut être demandé aux éleveurs bovins de clôturer certaines trouées si le gestionnaire le juge utile. Tout ceci se fait en concertation avec l’éleveur lui-même ainsi que les élus.
Pâturage et gestion forestière sont aujourd’hui et depuis toujours étroitement liés dans les Hautes-Alpes. Il convient toujours de garder une vision à long terme qui intègre toutes les utilisations du milieu, pour garantir la pérennité de ce milieu et des activités qui y sont liées.

Texte et photos : Jean-Philippe DOYON, technicien forestier ONF pour la commune de Château-Ville-Vieille



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Plans des trouées travaillées sur la commune de Château-Ville-Vieille

(Cliquer sur l'image pour l'agrandir)